Ça y est, j'ai enfin fini "Heavy Rain", le dernier jeu du studio français Quantic Dream a qui l'on doit déjà le surprenant et prenant "Omikron : The Nomad Soul" ainsi que l'intriguant mais pas toujours très réussi "Fahrenheit". Derrière ce studio se cache, façon de parler puisque le monsieur s'expose beaucoup médiatiquement parlant, David de Gruttola aka David Cage (petite anecdote pour ceux qui ont joué à "Fahrenheit", aviez-vous fait attention que le livre recherché dans la bibliothèque du chinois était un livre des éditions "de Gruttola" ? ^.^). Non content de nous avoir teasé de manière intelligente pendant les quatre années qu'auront duré le développement, David (oui, je vais me permettre de dire David) a aussi tenu un blog sur IGN, blog qui a ensuite été traduit en français pour nourrir le blog VIP de David Cage sur Gameblog. Sur ce(s) blog(s), on y apprend un nombre incalculable de choses intéressantes concernant les étapes de développement d'un jeu (les phases de beta, le fameux "crushing", les "users test" mais aussi certaines techniques comme la mocap, etc.). Bref, tout est très intéressant, même si dans son dernier billet il se permet de descendre ouvertement et de manière peut-être un peu puérile les sites français qui ont attribué une note "en deçà" des autres, à savoir Gamekult et JeuxVideo.com... (lisez les tests en lien pour vous faire votre propre idée). Étrange comme façon de faire, surtout que lesdits tests ne sont pas non plus exempts de vérité et que les notes, même si elles sont plus basses que la moyenne, ne sont que l'avis d'un testeur ou d'une rédac' et que tous les goûts sont dans la nature... Mais bon. C'est sans doute ce dernier point (la critique de ces deux sites) qui restera comme un point noir et me fait voir David de manière différente. Avant, je le voyais comme quelqu'un de passionné qui voulait essayer de faire avancer ce média à sa manière même s'il ne faisait rien de vraiment précurseur, il avançait dans une direction que personne ne voulait prendre. Maintenant, je le vois plus comme un créateur qui n'accepte pas les critiques négatives alors que ce sont toujours les critiques négatives qui font avancer... Serais-tu "mauvais perdant" David ? D'autant que les tests de ces deux sites ont plutôt attisé ma curiosité en ne donnant pas que les aspects positifs de votre création (contrairement au test de Julo sur Gameblog, qui, aussi bon soit-il, ne donne qu'une façade du jeu et c'est quand même dommage voire dommageable parce que ça ressemble plus à du publi-reportage qu'à une critique).
Bon, après cette introduction qui ne concerne pas vraiment le jeu en lui-même, il est temps d'en venir à ce qui importe le plus, l'expérience de jeu voire l'expérience tout court. En effet, "Heavy Rain" n'est pas un jeu à proprement parlé même si, en forçant le trait, on pourrait le rapprocher d'un jeu d'aventure "point and click" dans lequel on aurait virer l'inventaire tout en remplaçant les menus d'actions (les fameux "prendre", "utiliser", "aller") par des actions contextuelles, à faire avec le stick droit de la manette, actions ici dénommées MPAR (pour Motion Physical Action Reaction). Je vais découper cette critique en deux parties, en m'intéressant d'abord à ma première partie et en voyant ensuite les runs suivants. Pour ma première partie, j'ai tout de suite accroché avec les personnages et l'histoire et je suis tombé en plein dedans. Je me suis même identifié à Ethan Mars, cet architecte père de famille dont la vie bascule et sur qui le sort va s'acharner, identification sans doute aidée par le fait que je suis devenu papa il y a peu et que je ressens ce besoin, cette nécessité même, de devoir protéger à tout prix ce petit bout de vie. Le jeu a donc fonctionné à plein régime sur cette première partie où j'ai vibré en osmose avec les personnages (notamment Ethan), avec le scénario et avec les actions de plus en plus noires qui s'y déroulaient, me faisant même douter par certains moments des actions que j'allais faire... Histoire de bien mettre la "pression", la majorité des actions stressantes sont à exécuter dans un temps limité, ce qui en rajoute et nous fait gamberger à toute vitesse pour savoir ce qu'impliquera telle ou telle décision. Du coup, le leitmotiv du jeu, à savoir "jusqu'où seriez-vous prêt à aller par amour ?", m'a pris à la gorge dès les débuts concrets de l'histoire et ne m'a pas lâché jusqu'à l'épilogue. Pris dans le jeu et le scénario, j'ai pesé mes actions, j'ai essayé de faire ce que j'aurais fait ou aurais voulu faire dans la même situation, j'ai essayé d'avoir une ligne de conduite et j'ai essayé de ne pas en dévier même si certaines fois cela a été plus que difficile, j'ai du lutter pour réussir les épreuves et pour faire les bons choix. Impressionnant ! Durant toute cette première partie, je me suis donc laissé emporter, ne faisant que très peu attention aux quelques petits soucis techniques qui ont pu émailler le jeu (mauvaise synchro labiale en VF, problème de tearing, quelques ralentissements, etc.), ne pestant qu'une ou deux fois sur des actions en MPAR pas forcément compréhensibles (exemple tiré de la démo : faire "gauche puis bas" dans l'appartement de Lauren fait que Scott laisse sa carte de détective, même si la première fois où j'ai fait ce MPAR je n'étais pas vraiment à côté de la table, du coup je l'ai fait mais je ne voulais pas laisser ma carte et je ne savais même pas qu'il avait une carte et qu'il pouvait la poser...) ou m'énervant sur la jouabilité à cause des changements de caméra (le côté "lourdeur" et "lenteur" des déplacements ne m'a pas gêné et je dois avouer que je glousse bien quand je lis qu'il est difficile de faire faire demi-tour aux persos dans un couloir... Ces personnes n'ont pas suivi le tutoriel ou n'ont rien compris... en effet, il suffit de faire en sorte que le personnage regarde dans la direction voulue avec le stick gauche, et ensuite d'appuyer sur R2 pour le faire marcher, et cette méthode fonctionne parfaitement pour les demi-tours....).
À la fin de ma première partie, j'étais donc plus que satisfait du jeu, complètement soufflé même, et j'étais bien décidé à remettre le couvert pour voir ce qui allait se passer si je ne me conduisais pas comme je l'avais fait et c'est là que...
Et c'est là qu'on se rend compte des ficelles du jeu. La majorité de nos actions ne sont finalement pas si choisies et le jeu nous les impose bien plus qu'on ne l'aurait pensé au départ. Je comprends que l'arbre scénaristique aurait été indigeste et ingérable si toutes nos actions conduisaient à une modification du scénario et je comprends aussi que Quantic Dream et David Cage veulent nous faire vivre une histoire, histoire qui n'aurait très vite plus de sens si nous faisions n'importe quoi mais... pourquoi être aussi dirigiste ? Dès que l'on attaque une deuxième partie, le voile de fumée est très vite levé et fait même regretter de s'être rejeté aussi vite dans l'aventure. Car oui, seules les actions les plus évidentes apportent un réel changement dans le scénario et seule une ou deux actions par scène peuvent changer quelque peu la scène. À l'instar de "Fahrenheit", on se retrouve sur les rails du scénario sans le vouloir alors qu'on voulait faire autre chose. Rater les QTE ne change pas grand chose la plupart du temps, si ce n'est en raccourcissant certaines scènes, mis à part dans les scènes "clés" du jeu, ces scènes qui vont bouleverser le scénario. Je pensais avoir compris le coup de "l'élastique scénaristique" mais en fait, on ne le comprend qu'une fois qu'on y rejoue (cf mon billet sur le dernier numéro d'Amusement). Pour être honnête, il faut reconnaître que toutes les scènes peuvent se jouer de différentes manières, qu'un bon tiers des scènes peut avoir une autre fin et que la moitié de celle-ci ont une réelle influence sur le scénario, ce qui est déjà énorme, je le reconnais, mais... on a quand même l'impression que le jeu, durant notre première partie, nous emmène là où on doit aller pour permettre au jeu d'aller le plus loin possible. Car, je le rappelle, il n'y a pas de game over dans "Heavy Rain", donc si on foire tout, le jeu s'arrêtera plus tôt sans qu'on découvre le meurtrier, mais je pense que peu de personnes ont du arriver à cette fin à la première partie. Il faut aussi reconnaître que la force du jeu se trouve aussi dans les échanges qu'on peut avoir avec les autres joueurs sur leur parcours dans le jeu, parcours qui ne se ressemble pas, toujours sympa de se dire qu'on a fait le même jeu sans faire les mêmes choses, sans voir les mêmes choses et sans avoir vécu l'histoire de la même façon. Autre point fort du jeu, il a su éviter l'écueil qu'avait connu "Fahrenheit", à savoir se sentir sur des rails dès le départ. "Heavy Rain", lors de la première partie, se laisse vraiment savourer et, si vous avez la chance d'être réceptif comme moi, vous vivez l'aventure avec les persos, trépignant pour faire avancer le scénario et pour enfin connaître l'identité de cet enfoiré de tueur aux origamis qui n'est autre que... j'déconne ! ^.^
Heavy Rain a tout pour plaire aux cinéphiles, aux personnes qui aiment les histoires et même aux joueurs qui veulent essayer autre chose. La première fois que vous terminerez Heavy Rain, vous serez sans doute conquis, époustouflé voire soufflé d'avoir vécu tout ça dans un jeu (car oui, ce jeu a réussi à me procurer des émotions, m'a fait réfléchir sur mes actions, etc.), et c'est bien là le principal. Malheureusement, l'homme est une bête curieuse qui veut toujours en savoir plus, et c'est lors des parties suivantes que la magie s'estompera pour laisser place aux astuces du jeu et du scénario. Bien évidemment, cela n'a rien de rédhibitoire mais c'est un fait important à souligner et que je n'ai pas vraiment lu ici et là. Est-ce que je conseille ce jeu ? Oui mais évitez de vous relancer dans l'aventure trop rapidement sous peine de perdre cette saveur si particulière que le jeu procure durant votre première partie. Vous êtes prévenus ^.^
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/me a adoré HR mais regrette clairement de s'être lancé si vite dans une seconde partie...
Billet posté le 3 Mars 2010
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